Nous allons à présent aborder les lois quantitatives permettant de modéliser simplement les profils verticaux de température au sein des atmosphères planétaires. Cela nécessite quelques rappels sur le rayonnement thermique, dit de "corps noir".
L'intensité lumineuse
, définie comme la puissance émise par unité de surface émettrice, par angle solide autour de la direction du rayon et par unité de longueur d'onde
émise par tout corps noir idéal de température
, est donnée par la loi de Planck :
où
,
et
désignent respectivement les constantes fondamentales de Planck, de la vitesse de la lumière et de Maxwell-Boltzmann. Cette fonction possède des propriétés mathématiques aux conséquences importantes pour la suite du cours.
Elle donne la position du maximum en
de
à température
donnée, comme illustré précédemment.
Autrement dit, plus le corps est chaud, et plus il émet principalement à des longueurs d'ondes courtes et ce de façon inversement proportionnelle. Cela justifie la séparation du spectre lumineux en :
est voisin de
(soit dans le vert).
est voisin de
.
La séparation entre les deux domaines est prise de façon conventionnelle autour de
. Dans le contexte exoplanétaire, une remarque importante s'impose dès maintenant : la plupart des exoplanètes actuellement connues sont extrêmement chaudes, avec des températures excédant souvent
, si bien que la limite entre infrarouge thermique et lumière stellaire est décalée vers de plus courtes longueurs d'onde, voire devient complètement dénuée de sens. Cela empêche notamment d'appliquer tels quels les modèles atmosphériques conçus dans le système solaire qui distinguent ces deux catégories.
Lorsque l'on ne s'intéresse pas au détail du spectre émis par le corps noir, il est souvent intéressant de calculer le flux (c'est à dire la puissance par unité de surface émettrice) total émis par le corps noir dans un demi-espace (par exemple, pour une surface planétaire, vers le haut). Pour cela, il suffit d'intégrer la loi de Planck sur sa variable spectrale
, et sur les
d'angle solide en question. Le calcul donne alors le résultat suivant, connu sous le nom de loi de Stefan-Boltzmann :
où
est connu sous le nom de constante de Stefan-Boltzmann. La puissance émise par un corps noir dépend donc énormément de sa température (une augmentation relative de
de sa température entraîne ainsi une augmentation d'environ
du flux émis).
Le corps noir est un modèle abstrait que l'on ne rencontre pas dans la vie courante. Le spectre thermique
émis par un corps donné se trouvant à l'équilibre thermodynamique à la température
peut alors s'exprimer comme
où
est une grandeur sans dimension appelée émissivité (qui dépend de la température, mais de façon moins marquée que la fonction de Planck
si bien que par souci d'alléger les notations, on ne la note pas en général
comme on le devrait en toute rigueur).
Considérons un corps noir en contact radiatif avec un corps réel à travers un filtre laissant seulement passer les radiations à la longueur d'onde
. On sait qu'une fois l'équilibre thermodynamique atteint, ces deux corps en contact radiatif auront la même température
. Si l'on note
la fraction du rayonnement incident absorbée par le corps réel, que l'on appelle absorbance, il en renvoie la fraction complémentaire
. Un bilan net des flux (nul à l'équilibre) à travers le filtre donne alors la relation
, ce qui se simplifie en
. C'est la loi de Kirchhoff, que L'on résume souvent en "les bons absorbeurs sont les bons émetteurs".

et
quelle que soit la longueur d'onde, l'émissivité l'est aussi. Il en résulte qu'aucun corps ne peut rayonner plus efficacement que le corps noir à longueur d'onde et température donnée.
, son absorbance est aussi égale à l'unité quelle que soit la longueur d'onde, ce qui justifie son nom de corps noir au sens où il ne réfléchit aucun rayonnement incident.Cette page développe de façon quantitative les notions vues de façon qualitative ici.
la distance de l'étoile à la planète, on obtient alors un flux (puissance par unité de surface réceptrice)
), les rayons qu'elle émet peuvent être considérés comme parallèles. La façon la plus simple de calculer cette puissance reçue consiste donc à multiplier le flux
par la surface interceptant toute la lumière reçue par la planète à angle droit des rayons. Cette surface consiste donc ici en un disque du rayon
de la planète, d'où
, la proportion réfléchie de la puissance incidente, la partie absorbée représente donc le complémentaire, soit
.
se comporte comme un corps noir aux longueurs d'ondes considérées, cette puissance rayonnée vaut alors
puisque l'ensemble de la planète rayonne.Le bilan radiatif à l'équilibre imposant l'égalité entre la puissance rayonnée par la planète et la puissance absorbée par la planète, on obtient alors l'équation suivante :
qui se résout directement, après simplification du rayon
de la planète (ce qui signifie qu'en première approximation, la température d'une planète ne dépend pas de sa taille) en :
ce qui permet de constater que cette température décroît avec la distance à l'étoile, et est proportionnelle à celle de l'étoile. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, pour une étoile naine rouge d'une température moitié de celle du Soleil, il faut pour conserver une température d'équilibre donnée se rapprocher de l'étoile d'un facteur quatre : on peut d'ores et déjà affirmer que les zones habitables autour des petites étoiles de faible température (naines rouges) sont très proches de ces dernières. Notons au passage que la température d'équilibre d'une planète est bornée par celle de son étoile, plus précisément comprise entre
(à très grande distance) et
à la limite où l'orbite de la planète est tangente à son étoile (et la planète de rayon négligeable devant l'étoile).